Transformation et orientation client pour les experts-Comptables à l’ère de l’IA

Voici bientôt deux ans que l’intelligence artificielle (IA) et ses avancées sont enfin devenues grand public. Autrefois domaine réservé d’experts (ou de romancier), l’IA générative commence à s’immiscer dans notre quotidien. Ce qui suscite bien sur des discussions passionnantes quant à son impact sur divers domaines professionnels. En effet, certains métiers se sont historiquement construits sur une connaissance pointue de leurs thématiques. Expertise comptable, avocats… cette liste est évidemment longue. Et si, nous voyions cette arrivée comme une opportunité de réinvention ?

L’IA aura bien sur des impacts sur l’emploi, comme le dit une étude de l’OIT : impacts sur la qualité comme sur la quantité des emplois. Parmi les domaines les plus impactés, on retrouve le monde de l’expertise comptable. Les transformations apportées par l’IA promettent de redéfinir les contours même de l’expertise. En effet, ces technologies sont capables de répondre à un large éventail de questions autrefois réservées à des experts.

Ces prédictions ne sont bien sûr pas nouvelles. On retrouve par exemple plusieurs traces de telles prédictions dans une étude publiée par des chercheurs de l’université d’Oxford. Le secteur de l’expertise comptable est néanmoins à l’aube de transformations majeures. En effet, plusieurs évolutions se combinent pour le transformer en profondeur ainsi que sa proposition de valeur :

• Les évolutions technologiques dont L’IA mais on pourrait également citer les capacités des outils de type OCR

• Les évolutions des attentes clients qui attendent plus que de simples rapports financiers. Ils recherchent des conseils stratégiques et des informations exploitables pour prendre des décisions éclairées.

• Les évolutions du marché, de plus en plus concurrentiels, notamment avec l’arrivée de nouveaux acteurs mais également de nouveaux outils comme la facturation électronique qui réduiront les besoins sur le métier traditionnel.

Dit de manière abrupte, les experts comptables se trouvent à un carrefour crucial. Sur la partie basse de leur travail, la concurrence est féroce. Sur la partie haute aujourd’hui étendard de la profession, l’expertise, L’IA présente de forts risques. On parle de services qui seront :

• Disponibles tout le temps : un tracas le soir ? L’entrepreneur, le chef d’entreprise n’aura plus besoin d’attendre et pourra solliciter son assistant

• En progression constante : en plus d’être constamment alimentées par la puissance du web et des données de plus en plus qualitatives, les IA apprennent de leurs erreurs. Elles les intègrent pour ne plus les faire. Cela sera surement encore plus vrai avec l’arrivée des IA spécialisées sur certains sujets.

• À des tarifs… très abordables : aujourd’hui un abonnement payant à ChatGPT coûte 20$ par mois. Les géants du web réfléchissent déjà aux meilleures manières de les intégrer dans vos outils du quotidien, par exemple dans la suite office

Bien sur l’IA soulève de nombreuses questions : quid de la propriété intellectuelle des éléments utilisés par l’IA ? Quid de la responsabilité ? Mais le mouvement ne semble pas près de s’arrêter.

Dès lors, côté expertise comptable une question devient centrale : Quelle proposition de valeur complémentaire ou additionnelle, les experts comptables pourront-ils faire à leurs clients ? Comment les experts comptables pourront ils se positionner dans un paysage que l’IA générative et la facturation électronique transformeront tant ?

La réponse réside peut-être dans la transformation de la posture des experts comptables eux-mêmes. En grossissant le trait, les experts comptables ont souvent adressé en priorité la demande de normes de l’état. Il s’agit aujourd’hui de changer cette posture. Passer d’une posture orientée norme vers une posture orientée client. Dans celle-ci, la relation ne se limite pas à la fourniture de réponses, mais s’étend à une collaboration proactive. Certains éléments d’une posture orientée client sont déjà bien mis en avant par la profession : écoute active et compréhension des besoins, transparence et clarté des communications. Mais il faut approfondir cette posture sur au moins 3 aspects :

• Proactivité dans les conseils : Plutôt que de simplement répondre aux demandes des clients, il s’agit d’anticiper les besoins futurs : proposer des solutions & des recommandations, offrir des conseils de manière proactives, présenter des options avant même que le client ne les demande… et surtout avant la clôture annuelle !.

• Personnalisation des services : Chaque client est unique, l’offre de service doit donc aussi l’être. Cela peut inclure des stratégies fiscales personnalisées, des rapports spécifiques ou des conseils sur des réglementations sectorielles spécifiques.

• Suivi et réévaluation régulière : Une relation orientée client implique un suivi régulier pour évaluer l’efficacité des solutions recommandées. Cela signifie réévaluer périodiquement les stratégies mises en place et s’assurer qu’elles sont toujours alignées sur les objectifs changeants des clients.

Cela implique de devenir d’ aller au-delà du simple rôle de comptable et d’offrir une plus forte valeur ajoutée pour les clients. Le rôle traditionnel de facilitateurs de connaissances ne va pas disparaitre. Mais il faut le renforcer avec un rôle de guide pour aider les clients à faire croitre leurs activités.

Un premier pas pour cela pourrait être, à l’instar des solutions de type LLM, de s’appuyer bien plus sur les données ! en effet :

• Des analyses produites automatiquement (afin de pouvoir connaitre la situation de tous les clients très facilement) permettront en effet d’être pro actif dans les conseils

• Pour restituer ces analyses, un outil doit être proposé. Il permettra de personnaliser l’offre de service, d’accompagner aux quotidiens les clients dans le pilotage et d’être le support de réunions régulières permettant de transformer la relation.

Comme pour les LLM, les données pourraient être également le carburant de modèles prédictifs. Quel entrepreneur s’opposerait à des analyses lui permettant de mieux comprendre son environnement et son activité ? En s’outillant pour gérer de larges volumes de données, les experts comptables pourront en profiter pour déployer des modèles prédictifs.

C’est un gros défi ! Cela impliquera bien sur une transformation du cabinet. Ce qui vient le premier en tête c’est la gestion des compétences. De quelles compétences, tant relationnelles que technologique, un cabinet doit il disposer pour supporter cette nouvelle posture ? Mais il faudra également identifier les nouveaux services qu’il peut développer, transformer la stratégie commerciale, encourager une culture de l’innovation pour répondre aux besoins des clients, voir même collaborer avec d’autres professionnels dans des domaines complémentaires pour offrir des solutions holistiques.

Sacrément gros le défi !